Feuille de route « alimentation durable et de qualité pour tous.tes » à la longue vue

Après quelques mois de navigation à vue pour mettre en mouvement la feuille de route « alimentation durable et de qualité pour toutes et tous » (tester des modes d’animation de la communauté, affiner les objectifs …), l’heure est venue de se hisser en haut du phare et passer à la longue vue le chemin emprunté, les escales (utiles ou non), les détours imposés, et tirer quelques enseignements de la méthode pour de futures coopérations.

Tous les moussaillons sont-ils encore à bord ? La boussole est-elle toujours en état de marche ou a-t-on perdu le nord ? Quels trésors a-t-on glané des étapes précédentes ? Quelle est la prochaine escale qui se dresse à l’horizon ?

Le parti pris de la communauté

Dès le lancement de la feuille de route et la définition d’une vision commune pour celle-ci, le parti-pris de l’aventure collective a été affirmé, le binôme Lab des Possibles-PAT au pilotage, mais des ateliers ouverts à une communauté d’acteurs (agent.e.s de la Métropole, des Villes, partenaires institutionnels ou de la société civile), sensibles au sujet et désireux.euses de contribuer ou recruté.e.s pour leur expertise.

L’euphorie du départ VS la réalité du quotidien 

« Le lab est un starter de projets. On a le fantasme de lancer un truc qui vit sans nous après »

Animer une communauté autour d’un sujet est un élément de la coopération : mais l’illusion de son autonomisation a rapidement été confrontée à la réalité, au caractère chronophage de l’organisation et de l’animation d’ateliers. Il faut se rendre à l’évidence, tous les acteurs embarqués ne pourront pas mettre autant d’énergie dans la feuille de route.

Après un atelier d’exploration de quatre chemins possibles pour la feuille de route (les paniers solidaires, les tiers lieux alimentaires, les camionnettes mobiles/marchés solidaires et la sécurité sociale de l’alimentation), nous avions envisagé plusieurs suites pour rebondir sur les premières idées exprimées par les participant.e.s, certain.e.s ayant déjà des idées concrètes de projets à tester. Visite chez un.e agriculteur.rice pour se décadrer et commencer une mini-enquête collective sur les réalités du métier, codev pour faire atterrir certaines idées en expérimentations plus concrètes … idées mises de côté pour le moment, face à la difficulté des participant.e.s à se dégager du temps pour porter eux-mêmes des projets.

Dessiner une gouvernance pour clarifier l’implication de chacun.e

La capitainerie à la manœuvre : pour porter la vision de la feuille de route, animer la communauté, définir les actions et assurer la documentation au fil de l’eau de la démarche. Après une feuille de route testée en binôme, une prochaine feuille de route pourrait être portée par un trio, pour renforcer la stabilité du portage.

Un second cercle de contributeurs.rices : mobilisé pour des visites, des temps d’inspiration collectifs, de la formation-action, ou dans la mise en œuvre de projets sur le territoire (brigade de débogage pour soutenir des porteurs de projets, jury de sélection pour un AAP …). Et surtout, ne pas négliger l’interconnaissance, indispensable pour créer un esprit de communauté !

Quelques pistes pour la suite : une cartographie ou un annuaire des contributeurs.rices, pour identifier les fonctions de chacun.e et leurs écosystèmes professionnels, des temps d’échanges informels pour partager son actu, un recensement des besoins et envies folles pour la feuille de route au croisement de leurs propres feuilles de route …

Faire communauté autour de ressources partagées

Dans les discussions avec des membres du collectif, mieux connaître l’état des lieux du sujet sur le territoire (projets existants, structures engagées) est rapidement apparu comme indispensable pour pouvoir contribuer à la feuille de route. L’équipe du PAT et du Lab des Possibles ont commencé à recenser les projets soutenus par le PAT, et ceux soutenus par la politique de la ville dans une base de données communes. Trouver le bon moyen pour partager ces données, les rendre facilement appropriables (ciao le tableur excel qui donne des maux de tête), l’agrémenter des potentialités du territoire (par exemple la proximité entre des QPV et producteurs.rices), contribue à nourrir une forme d’observatoire de la thématique adressée par la feuille de route, identifier les impacts sur le territoire ou les espaces moins lotis qu’il faut cibler en priorité.  

Au-delà de l’existant, agréger des connaissances chemin faisant : un des modes d’animation de la communauté peut d’ailleurs être de constituer une banque de ressources autour de la thématique en question : par des visites, des échanges inspirants, du partage de veille …  Tout cela mérite en tout cas d’être documenté !

Quand le voyage ne tient qu’à un fil rouge…

Pour articuler les différents niveaux de contributions, et permettre à chacun.e de voir clairement d’où on part, là où on en est et potentiellement quelle sera la prochaine étape, il est primordial d’ajouter à la liste des ressources partagées un document de suivi auquel tout le monde peut se raccrocher, y compris pour rejoindre l’aventure en cours de route. Que doit-on y retrouver ? Les escales effectuées, avec des liens vers les compte-rendus d’ateliers, de visites, ou les coordonnées d’une personne référente capable de raconter ce qu’il s’y est passé.

Prochaine escale : l’appel à projets ?

Les deux services engagés dans la démarche se sont accordés sur une modalité d’action : lancer un appel à projets, en fléchant une partie du financement du Pacte des solidarités sur la thématique de l’alimentation en QPV, et plus précisément sur le déploiement de tiers-lieux alimentaires. Comment mieux définir le périmètre de ces tiers-lieux qui recouvrent des réalités multiples ? Quelle place pour la communauté mobilisée jusqu’à présent ?

Un atelier d’idéation nous a permis de donner plusieurs incarnations à ces tiers-lieux, mais surtout de dessiner progressivement les contours de cet appel à projets. Au fil des échanges avec les participant.e.s, trois hypothèses semblent se dégager : sécuriser les lieux existants qui mènent une activité en lien avec l’alimentation à destination des quartiers, amplifier ces lieux avec de nouvelles offres ou un lien plus fort avec les quartiers prioritaires, faire pousser de nouveaux lieux dans les territoires où l’offre est peu présente. En effet, le financement proposé dans le cadre de cet appel à projets reste modéré, et ne permettrait pas seul de sécuriser le financement d’un tiers-lieu ; par ailleurs, des lieux/organisations seraient tout à fait en capacité de déployer un nouveau service, ce qui permettrait de financer une partie de leur activité.

Recours à l’appel à projets : chassez le naturel il revient au galop !

L’appel à projets est une des principales incarnations du contrat de ville. Chaque année, les associations et les acteurs des quartiers prioritaires sont sollicités pour faire des propositions de projets qui viennent mettre en œuvre ses orientations dans le cadre de la programmation annuelle. Cet appel à projets est d’ailleurs parfois décrié : car il transforme les chargés de développement social urbain en gestionnaires de demandes, car il est très chronophage pour les associations qui préfèrent parfois y renoncer, car il comporte un effet d’aubaine de financement qui laisse peu de places à l’émergence de nouveaux projets ou à des dynamiques plus collectives… bref, comment hacker la manière traditionnelle de l’animer pour en faire un objet vraiment collectif, tant au niveau du portage que des réponses apportées ?

Quelques pistes imaginées lors de l’atelier pourront être mises au banc d’essai :

Sur l’implication de la « communauté » feuille de route : se faire les relais de l’appel à projets sur le territoire/auprès de leur écosystème professionnels ; être mobilisé.e pour leur expertise technique dans un temps de débogage d’idées ; participer à la construction du cahier des charges ; faire partie du jury de sélection …

Sur les modalités de l’appel à projets : permettre et accompagner une phase d’idéation de projets, favoriser le co-portage des projets et les partenariats acteur public/monde agricole/société civile ; former une cohorte de lauréat pour favoriser l’entraide, la formation collective …

Ces premières tentatives sont riches en enseignements et nourriront la méthode (non exhaustive) de construction de futures coopérations entre les services de droit commun et politique de la ville de la Métropole Aix Marseille Provence … ça mériterait bien une carte topo-méthodo pour trouver son itinéraire parmi les chemins possibles, tout en évitant les écueils, non ?