La question de la coopération est loin d’être étrangère à la politique de la ville, dont le contrat de ville incarne la dimension partenariale par excellence (a minima entre l’État via les préfectures, les EPCI, les communes …). Peut-être celle-ci n’est-elle pas optimale mais, pour nos complices du développement social urbain, elle est plus instable encore avec les autres services de la collectivité. Depuis le début du programme, comme un refrain, revient inlassablement cette question de la difficile coopération avec le droit commun.
La spécificité de la politique de la ville, cette « politique publique pas comme les autres », est d’être circonscrite à des zones géographiques précises, et en principe de renforcer l’action publique locale (par des moyens et actions supplémentaires) pour répondre plus justement aux besoins des habitant.e.s. Dans les faits, les agents du développement social urbain sont nombreux à dénoncer une forme d’abandon des quartiers par les politiques publiques, qui limite leurs actions à pallier les carences plus qu’à réellement intensifier les moyens existants … Et par ricochet leur sentiment d’isolement au sein de l’organigramme. Comment mieux faire comprendre le rôle de la politique de la ville pour créer de nouvelles alliances ? Comment contribuer utilement aux politiques de droit commun, en s’appuyant notamment sur « une expertise quartier » à mettre en regard d’une expertise métier ?
La Métropole Aix Marseille a fait du renouvellement des contrats une opportunité pour faire un pas vers les autres services de la Métropole, engager des discussions pour renforcer l’interconnaissance, et pourquoi pas ébaucher de futurs projets communs.
En tête de proue de cette nouvelle stratégie de « Feuille(s) de route avec le droit commun » figure la consolidation de liens avec les équipes du Projet Alimentaire Territorial (PAT)… une bonne occasion d’observer chemin faisant la pérennisation d’une alliance apparemment fructueuse et d’en tirer des enseignements méthodologiques, pouvant inspirer des collaborations futures !
Avant d’entrer dans le détail de la stratégie des feuilles de route, petit retour en arrière sur l’épisode fondateur de la coopération entre le PAT et le service Cohésion Sociale de la Métropole …
Mars 2020, quelques jours seulement après le début du confinement, les associations de proximité alertent le service Cohésion sociale sur la situation critique dans les quartiers : suspension des activités économiques (et donc des sources de revenus), fermeture des écoles (qui pour nombre d’enfants étaient l’assurance d’un repas complet dans la journée), intensification de la vulnérabilité des publics précaires … Il faut agir, et vite ! Non loin de là (au sens figuré ici pour assurer la fluidité du récit … car chaque agent était en réalité chez lui), dans le service du PAT, une autre préoccupation anime les équipes : les agriculteur.rice.s du territoire n’ont plus de débouchés pour leurs productions. Ces problématiques sont fructueusement entrecroisées (en y associant des partenaires clefs comme la Fondation de France et des associations locales) : l’aventure des paniers solidaires est née. Grâce à la collaboration intensifiée entre les deux services, la Métropole achète leurs productions aux agriculteurs, afin de redistribuer fruits et légumes aux plus précaires dans les quartiers (version courte et simplifiée, mais à peine romancée de cette « belle histoire »), en s’appuyant sur la mobilisation sans faille des associations locales et des communes dans la mise en œuvre opérationnelle de ce projet de paniers solidaires (identification des publics et distribution). D’un côté, le PAT à l’interface avec les agriculteurs, de l’autre, la Cohésion Sociale organisant le déploiement dans les territoires. Chacun son poste, pour une action de précision, et une efficacité honorable…
Quelques mois et années plus tard, c’est avec émotions que celles et ceux qui y étaient se souviennent de l’expérience, qui a confirmé la nécessité de développer des coopérations vertueuses comme celle qu’ils et elles ont participé à orchestrer.
Nous avons tenté une petite enquête pour explorer les mécanismes de coopération qui ont été aidants à l’époque … mais, qui dit COVID dit gestion de crise, circuits de validation simplifiés voire carrément court-circuités, missions focalisées sur l’essentiel, agents investis (jours et nuits) dans le projet … Autant de conditions qui disparaissent une fois la parenthèse de crise refermée et qui semblent difficiles à reproduire dans un contexte ordinaire…
Cet épisode fondateur a suscité l’envie, de part et d’autre, de poursuivre la coopération sur du plus long terme.
Au-delà de cette alliance, le service Cohésion sociale souhaite plus globalement se saisir de nouveaux sujets hors des piliers traditionnels de la politique de la ville (comme l’alimentation).
Mais pourquoi une feuille de route ? L’imaginaire de la feuille de route vise à se détacher quelque peu du plan d’actions : Comment donner un rôle précis à chacun.e ? S’assurer qu’il y ait une place pour accueillir les besoins/attentes/fantasmes des personnes qui s’investissent (et leur offrir une résonance plus collective) ? S’autoriser à explorer différents chemins (et avoir l’agilité d’y renoncer ou de saisir d’autres opportunités) ? Créer un cadre de travail léger, sur mesure, désirable ? Expérimenter ?
Pour amorcer la réflexion, nous avons commencé à rassembler quelques ingrédients qui apparaissent comme nécessaires à une coopération vertueuse … premiers éléments d’une longue liste qui s’enrichira dans les mois à venir !
Pour commencer à donner de la substance à la feuille de route, l’équipe du PAT et le Lab des Possibles de la Métropole ont animé en avril dernier un atelier ouvert à leurs partenaires respectifs. Il a permis de dessiner des scenarios souhaitables pour les QPV à horizon 2030 sur le sujet de l’alimentation durable pour toutes et tous, et d’envisager les premières pistes d’actions autour de projets concrets.
Après cette première mise en bouche … Le rendez-vous est donné pour la rentrée : avec le double objectif d’alimenter collectivement le fond de la feuille de route, tout en prenant le temps d’investir la forme (construire une méthodologie et une gouvernance pour le collectif naissant). On vous raconte tout ça bientôt !
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