Rejoindre la valse de la programmation annuelle le temps d’un COTECH à Salon-de-Provence #3

Qui dit début d’année, dit grande valse des instances partenariales de la programmation annuelle du contrat de ville. Après un petit tour au conseil citoyen du quartier Notre-Dame-des-Marins à Martigues, nous voici en immersion dans le COTECH de Salon-de-Provence. À l’ordre du jour, les projets déposés des piliers « Emploi et Insertion » et « Cadre de vie » du contrat ; pas moins de 31 projets à passer à la loupe le temps d’une matinée pour les amender de l’avis des différents partenaires présents dans le tour de table. On vous partage ici quelques étonnements (sans spoiler les projets déposés … surprise après le COPIL pour les plus curieux.euses).

On pose le décor du concert et l’orchestre du jour 

Réuni.e.s pour rendre un avis technique sur les projets déposés dans l’appel à projets, une quinzaine de personnes composent le tour de table de ce COTECH salonais.

  • L’équipe métropolitaine de la politique de la ville ;  
  • La déléguée du Préfet, qui en amont a recueilli les avis des services de l’État sur les actions  ;
  • Les chargées de projets des bailleurs sociaux ;
  • Les référent.e.s droit commun des villes signataires du contrat (en l’occurrence Berre l’Étang et Salon de Provence), sur les thématiques à l’ordre du jour (emploi insertion, culture).

 

Chacun.e a sous les yeux un tableur qui détaille l’intitulé de l’action, le territoire où elle se déploierait, s’il s’agit ou non d’une reconduction, le montant demandé au regard du coût total du projet, le pilier du contrat de ville dans lequel elle s’inscrit et une synthèse de l’action.

Vous avez le décor, maintenant musique ! Et on peut dire qu’on est plutôt sur le rythme d’un rock que d’une musique de chambre : la cadence impose de ne laisser que peu de temps aux projets pour que tout le monde puisse apposer un avis favorable, réservé, ou défavorable. Pour les agent.e.s qui sont chargé.e.s de présenter les projets, on perçoit une forme d’inconfort à l’exercice, là où davantage de temps pour présenter certaines actions, en exposant comment elles se sont construites avec le porteur, serait la base d’un véritable temps d’échange et de débat entre les partenaires. Et concernant les actions reconduites, qui faisaient donc partie de la programmation précédente, charge à celles et ceux qui en ont le souvenir de les raviver dans leur mémoire à défaut d’en apercevoir une forme tangible.

Locataire, es-tu là ?

Les bailleurs sociaux financent des actions de la programmation annuelle, mais ont besoin de s’assurer que x% du public sont des locataires …et là, ça coince. 

« Il faut se mettre à la place des porteurs et porteuses de projet, quand on est sur des ateliers de proximité, ce n’est pas possible de faire émarger », et d’autant plus quand ce sont des mineurs non accompagnés. Difficile dans tous les cas de leur demander des informations qui relèvent de la vie privée. Au-delà du bailleur, on a l’impression qu’il est difficile de s’assurer que les actions de la politique de la ville bénéficient vraiment aux habitant.e.s des QPV : « pour telle action, sur 100 personnes touchées on avait environ 30% de personnes du quartier, 30% d’un périmètre proche, et le reste de plus loin ».

 

Néanmoins, cette attention spécifique pour le bailleur a mené à une proposition de l’équipe de la Métropole de travailler sur un outil pour faciliter le « comptage » des habitant.e.s, et a posteriori  l’évaluation de l’action. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd … on garde ça dans un coin de nos têtes pour voir comme va germer cette idée !

Intervenir dans les quartiers, gare à l’erreur de casting !

À plusieurs reprises, on perçoit que mener des actions dans les QPV, ce n’est pas à la portée de toutes et tous. Loin de dénigrer les compétences professionnelles des personnes qui ont la charge d’animer des actions en quartiers prioritaires (porteuses et porteurs de projet, animatrices et animateurs de centres sociaux, etc.), c’est cependant leur (in)capacité à aller vers les habitant.e.s (jusque dans la cage d’escalier) qui met en difficulté le projet (en même temps que les personnes elles-mêmes). 

Que nous racontent ces « erreurs de recrutement » pointés par les chef.fe.s d’orchestre de la politique de la ville ? Comment mieux définir collectivement les profils nécessaires aux actions de proximité ? Comment former au mieux ces personnes pour qu’elles évoluent dans un cadre sécurisant, les mettant en confiance ? Comment susciter des coopérations avec les autres acteurs locaux (institutionnels et associatifs) ? A Salon de Provence est avancée la coopération judicieuse avec le chargé de mission Prévention de l’équipe politique de la ville (AMP), qui est identifié comme un bon relais de terrain.

Du QPVwashing, mais à la marge ! 

Avec la plateforme MGDIS (le Dauphin méditerranéen), il semblerait que certaines associations aient repéré qu’il était très facile de déposer des projets un peu partout, l’ensemble de la Métropole étant accessible à portée de clics. Si vous croyez que ça allait passer entre les mailles du filet de l’équipe politique de la ville, vous vous mettez le doigt dans l’œil : « J’ai essayé de les contacter, mais l’adresse est générique, et on m’a demandé ce que je voulais… » ; « ils ont même pas eu de contact avec nous … » ; et le bailleur d’ajouter que certaines associations se ramifient sur le territoire … Bref, on ne parle pas de politique publique partenariale pour rien, donc c’est carton rouge défavorable direct. 

« Choisir de ne pas financer, c’est aussi une manière de réinterroger le soutien du droit commun « 

Il y a des actions déposées qui suscitent des réactions hypoallergéniques … Par exemple, que des structures exerçant des missions de service public dédiées à l’emploi des jeunes déposent des actions visant à faire des permanences dans les quartiers : « ça je peux pas l’entendre », « c’est dans leurs missions initiales d’intervenir en QPV » mais, par manque de moyens principalement, ces acteurs sont obligés de solliciter des financements complémentaire pour mener à bien les missions qui leurs sont confiées… « Il faut vraiment que le droit commun revoie ses modalités de soutien à ces structures… ».

Faut-il l’oreille absolue pour détecter les actions de la programmation ?

Pour que les habitant.e.s puissent bénéficier des actions de la programmation annuelle, encore faut-il qu’ils en aient connaissance. Les bailleurs sociaux reconnaissent qu’ils se sentent parfois démunis sur les modalités de communication des actions auprès de leurs locataires : des flyers ? Par le gardien ? Par le conseil citoyen (plus fictif que réel) ? Dans la quittance de loyer ? Dans l’échéancier ? Par SMS habituellement réservé aux urgences (« aujourd’hui pas de fuite de gaz, mais un atelier pour vous aider à rédiger un CV ») ?… on perçoit la limite de l’exercice. 

La saison culturelle sur un mauvais tempo...

« C’est le problème de deux projets : ils commencent sans avoir besoin de la politique de la ville, car la saisonnalité culturelle (année scolaire) n’est pas sur la même temporalité que la programmation annuelle (année civile). Résultat, ce sont des projets qui se feront même s’ils ne sont pas financés … 

Les actions en reconduction : let’s try again !

Il y a des actions qui rencontrent les ovations des partenaires, unanimement favorables si l’action est déposée en reconduction. On dit souvent que la politique de ville est par nature expérimentale, un autre cas de figure donne tout son sens à cet adage. Lors de ce COTECH salonais, on nous dépeint une action passée sur la ville de Berre l’Étang, au bilan jugé catastrophique par les services de la ville : 1500 courriers, 30 inscrit.e.s, une équipe de professionnel.le.s mobilisée et engagée … et finalement 9 participant.e.s. L’investissement était-il trop important au vu du peu d’intéressé.e.s ? Pourtant, sa reconduction n’est pas exclue : en travaillant différemment, en incluant en amont l’organisation à la charge de travail des agent.e.s … Pas de réussite facile ni d’échec définitif, un vrai droit à l’essai-erreur !