Suite des expérimentations : à Vitry-le-François, la danse partenariale ne faiblit pas !

Depuis la Journée de territoires de juillet 2023, nous avons poursuivi la réflexion autour des instances, tout en initiant deux autres pistes de test avant le coup de sifflet final ! On vous raconte, un pas après l’autre, notre dernier temps forts auprès de la politique de la ville à Vitry-le-François

De la Journée du territoire...
...à la Journée interacteurs !

Quelques pas en arrière pour reposer le contexte

Souvenez-vous, en juillet dernier, nous vous racontions la première « Journée de territoire » organisée à Vitry-le-François par l’équipe DSU et ses partenaires (le lien par ici). 

Une expérimentation qui interrogeait en premier lieu l’ingénierie du contrat de ville et des dispositifs (Contrat Local de Santé, Convention Territoriale Globale..) qui lui sont associés, avec un objectif : faciliter la coopération entre partenaires, mieux se connaître, pour in fine faciliter la cohérence des actions dans les quartiers. 

Nous en avions tiré un panel d’enseignements – et nous avions alors l’ambition d’organiser une journée de debrief collectif avec les partenaires organisateurs pour :

  • enrichir ces enseignements et synthétiser les apports de cette journée,
  • penser son articulation aux autres instances existantes et sa place dans l’animation territoriale,
  • et enfin formaliser des guides ou outils pour envisager une/de futures expériences.

En effet, cette journée était une manière de tester une nouvelle modalités de rencontre, en écho à la dynamique déjà présente autour de la programmation du contrat de ville : COPIL, COTECH, mais aussi organisation des groupes de travail thématiques rassemblant les acteurs concernés (équipe DSU, partenaires via des dispositif , associations et autres acteurs de terrain). Car si les opportunités de rencontres existent, aucun de ces rendez-vous ne permettaient vraiment aux acteurs coordonnant les dispositifs de se retrouver autour d’une vision panoramique des dispositifs à l’œuvre sur le territoire.

Malheureusement au regard des agendas de chacun, nous avons dû renoncer au debrief collectif sur la journée de territoire.. mais appris avec surprise la tenue d’un nouveau temps fort organisé le 28 novembre, cette fois-ci par les partenaires des services de l’État ! Nous avons donc changé notre fusil d’épaule, et conduit une série d’entretiens individuels à distance avec les partenaires organisateurs de la Journée de territoire et les services de l’État, avec l’idée d’investiguer les liens entre ces deux expériences, ces deux « grandes journées » de la politique de la ville à Vitry-le-François.

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Des instances qui se répondent… ou non?

Pour suivre le fil de instances jusqu’au bout, nous avons participé comme observatrices à cette seconde journée, même s’il faut être honnête : nous ne passons plus vraiment inaperçu parmi de nombreuses têtes connues ! Mais alors qu’est-ce que ce rendez-vous sobrement intitulé « Journée inter-acteurs de la politique de la ville » ?

A l’instar de la Journée des territoires qui imaginait regrouper les temps forts des COPIL sur une journée en rassemblant tous les partenaires (et nous sommes revenus sur cette hypothèse), la journée du 28 proposait de remplacer les groupes de travail thématiques et de rassembler sur une journée les partenaires de la politique de la ville et les acteurs de terrain pour partager des éléments de la future contractualisation et affiner l’appel à projet contrat de ville.

Un premier étonnement pour nous, car au démarrage de l’enquête nous avions été impressionnées par la dynamique entourant ces groupes de travail thématiques, qui avaient le mérite de traiter par sujet, et de maniere collective, les besoins et problématiques des quartiers. Si la segmentation par thématique peut toujours être questionnée, elle permettait d’avoir un vrai temps dédié pour convier des acteurs du terrains, et nourrir l’appel à projet tout en commençant à esquisser des solutions collectivement. Pourra-t-il en être autant le temps d’une journée ?

Second étonnement sur le format : le déroulé de la journée reprenait le rythme de la journée de territoire, avec une restitution de l’évaluation du précédent contrat le matin à l’Hôtel de ville, un temps convivial le midi et un temps d’exploration autour des objectifs du futur contrat l’après-midi (à la Maison de Quartier Paul Fort). Mais avec des améliorations significatives : un programme plus « léger » et des temps de présentation « descendante » plus courts, par exemple.

Pour autant, et sans vous décortiquer par le menu toute cette journée, voici quelques observations qui ont retenu notre attention :

  • préparé et animé par l’ORIV (*centre de ressources), l’ordre du jour plutôt ouvert (voire parfois flou), a « perdu » dès le matin une partie des interlocuteurs interrogés. L’intention des temps de travail semblait en décalage avec les échanges réguliers qu’ils ont par ailleurs, et ils comprenaient peu ce que les ateliers, dont les axes de discussions avaient été définis unilatéralement, venaient « nourrir », en particulier l’après-midi.
  • un sentiment de décalage renforcé par la posture « directive » de l’animatrice ou encore la restitution descendante de l’évaluation restée très en surface des réalités du terrain (données uniquement quantitatives, sans évocation des projets ou trajectoires du précédent CDV).

 

  • une animation de fait perçue comme « trop loin du terrain » par les acteurs : ce qui est dommage car le regard « extérieur » du centre de ressources aurait pu agir comme catalyseur/médiateur des discussions, a été perçu par les acteurs comme « l’État dit que ».

 

  • le panel de participants incluait des acteurs de terrain, ce qui n’était pas le cas pour la Journée des territoires : une situation qu’il a fallut rapidement éclaircir car une partie ce sont sentis exclus (« nous n’y étions pas! ») et qui rappelle l’importance d’articuler et clarifier l’objectif de chaque temps partenarial.

 

  • pour autant, un moment d’échange qui est pris « pour ce qu’il est » par les acteurs : une occasion de se parler, quel que soit réellement la finalité.

Quels enseignements en tirons-nous ?

Tout d’abord, nous retenons de ces deux expériences successives l’importance de laisser une place  à l’informel, aux échanges moins cadrés qui favorisent le lien interpersonnel, et de soigner les « egos » de chacun.e, particulièrement sur un petit territoire où le facteur humain prend une dimension particulière et où les institutions sont plus incarnées qu’ailleurs.

Avec une difficulté : celle du turnover des équipes et de la manière de le prendre en compte dans le long terme de la relation partenariale.  

L’autre enseignement majeur porte sur la posture de l’Etat dans ce type d’instances et plus largement sur sa vision de l’animation territoriale, qui peut apparaître comme concurrente à celle de la collectivité. La forme a ici son importance : qui invite, pourquoi, avec qui, et quelles seront les suites ? De même que le processus : ne pas impliquer les partenaires dans la préparation d’une telle journée peut faire passer le message d’un Etat qui « reprend la main », qui donne une injonction à coopérer en faisant abstraction de la coopération déjà existante. Mais cela est vrai à l’inverse : un enseignement de la Journée des territoires était d’ailleurs de laisser une place aux services de l’Etat dans l’exposé du paysage de la politique de la ville locale.

Au-delà de ce.s temps particulier.s, se pose la question de la distance et de la disponibilité des services de l’État sur un petit territoire comme celui de Vitry et de la relation État/collectivité qui en découle (particulièrement en l’absence de délégué du Préfet), voire du sentiment de dépossession qui peut naître côté État face à des équipes DSU très mobilisées et entreprenantes.

Une piste de réflexion pour nos complices de l’Anct autour de l’évaluation sensible de le relation partenariale et de l’impact de l’organisation des services de l’Etat dans la politique de la ville …