Immersion en images dans le contrat de ville de Vitry-le-François

Comment rendre compte de la réalité, rendre visible ce qui est déployé dans le cadre du contrat de ville et faire entendre les multiples partitions jouées par l’équipe DSU de Vitry-le-François et ses partenaires ? Une question qui se pose autant pour nous en tant qu’acteurs chercheur.euse.s que d’un point de vue des politiques publiques où l’évaluation se limite encore trop souvent à une mesure quantitative des actions menées sur le terrain.

Un enjeu dont l’importance se confirme au fil des étapes du programme Nouveaux Accords, notamment par nos collègues menant l’enquête au sein de la Communauté urbaine de Dunkerque (agence Les Beaux Jours) et ceux de la métropole Aix-Marseille Provence (agence Itinéraire Bis). Ces derniers, dans un souci de partage d’expérience, nous ont par exemple invité à « revivre » une journée avec le service Développement des quartiers de Martigues avec leur article publié dans le blog du Programme.

Tel a été notre point de départ pour cet article en image : rendre compte d’une façon un peu décalée et sensible notre exploration, les pépites identifiées, l’humanité des équipes et des projets menés dans le cadre de la Politique de la Ville.

Voici donc quelques extraits de ce carnet de voyage au cœur du contrat de ville de Vitry-le-François.

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L’exploration

Dès notre arrivée sur place, nous avons commencé à photographier, la ville, les rencontres, les lieux, les gens… ; documenter ce que l’on observe … Garder des traces est un des piliers de l’observation participante et de l’approche ethnographique. Souvent nous accumulons ces images et les utilisons pour se rappeler, montrer, voire illustrer, mais rarement pour mettre en récit et rendre visible ce qui s’opère au fil du temps sur le terrain.

Plusieurs voyages à Vitry-le-François ont été nécessaires pour rencontrer chacun des membres de l’équipe DSU, les suivre sur les lieux où le contrat de ville se déploie et arriver à démêler les fils de cet ouvrage sophistiqué tissé au fil des années par les équipes DSU et leurs partenaires.

Le Contrat de Ville

Le programme Nouveaux Accords étant un programme de recherche-action collaborative sur le contrat de ville, il nous fallait évidemment le voir, ce fameux contrat !

S’il existe bien dans cette version papier, plus ou moins souvent consulté (il l’est quand même la veille de notre arrivée par Khalid Ida-Ali, chef du service DSU) pour préparer une des réunions de travail, puis par la chargée de mission de l’équipe renouvellement urbain en version numérique), on découvre au fil de l’eau qu’il se déploie partout et tout le temps, de façon souvent invisible, et qu’il est un cadre utile et précieux. Interrogés sur sa nature en mode portrait chinois, certains membres de l’équipe DSU le comparent à une Bible, d’autre au Code civil ou encore à une boussole.

« Au début c’est trop compliqué : ce n’est pas clair ce que c’est, à quoi ça sert. C’est avec le temps qu’on voit l’importance du document. On sait sur quoi on doit travailler. »

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Beaucoup d’humains

En entrant dans le bureau de l’équipe DSU, nous avons été frappées par ce mur d’images d’enfants, de familles, d’évènements organisés par l’équipe, faisant face aux nombreux dessins et petits mots réalisés par les enfants pour les membres de l’équipe, Giovanni et Mélanie, accrochés au-dessus de leurs bureaux.

La dimension humaine est au cœur de l’action du Contrat de Ville, mais ce n’est pas une évidence au premier abord ! Et ce mur d’images, qui n’apparaît pas forcément dans l’évaluation du Contrat de Ville, raconte cette facette sensible, sociale et vivante qui reste encore trop souvent invisibilisée.

Polyvalence et pluralité

Cette image, prise dans l’espace le Bon accueil situé à l’entrée du quartier Rome St Charles souvent occupé par le centre social et culturel, et géré par le service DSU, montre un membre de l’équipe DSU en train d’ouvrir les portes coulissantes séparant l’espace afin de l’agrandir pour l’animation cirque prévue l’après-midi pour les enfants du quartier. Un espace que la Ville met également à disposition des familles de Vitry-le-François n’ayant pas la place chez eux (appartements trop exigus…) pour se réunir et organiser un repas en famille après un décès familial, répondant au besoin identifié par Régis Debray de « resocialiser la mort » (dans son dernier ouvrage Le dernier souffle). Elle illustre ainsi le caractère polymorphe et profondément humain des actions quotidiennes menées par l’équipe DSU.

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La conception d’un espace vivant

Tentez d’imaginer avec l’équipe DSU le futur de cet espace situé au cœur du quartier Rome St Charles : des fleurs, des arbres, des légumes, un four à pain, peut-être réalisé avec les mains et savoirs faire des habitants, du mobilier pour se retrouver… Ce futur jardin partagé et lieu de convivialité va voir le jour grâce à l’équipe DSU et la capacité à se projeter de Khalid, qui briefe le responsable des espaces verts lors de notre passage à Vitry. Une image qui en dit long aussi sur l’affection portée par les enfants du quartier aux membres de l’équipe DSU.

Intelligence collective et ingéniosité

Nous avons été impressionnées par cette capacité à faire émerger de nouvelles conventions pour renforcer les actions et élargir le périmètre des dispositifs liés au contrat de ville. Par exemple le CTG  (le Contrat Territorial Global) signé avec la CAF pour renforcer les dispositifs famille et présenté aux partenaires lors de ce groupe de travail Famille & parentalité auquel nous avons assisté. La présentation du projet à deux voix, Khalid pour l’équipe DSU et Alexandra de la CAF, nous montre tout le travail de tissage partenarial créé au fil du temps pour aboutir à cette convention.

« On a conventionné avec la CAF sur cet objet, qui nous lie. L’objectif de la convention est l’intelligence territoriale, la logique projet, donc l’idée est de ne pas multiplier les dispositifs. »

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Diagnostic collaboratif

Quesako ? Sortis en introduction de la seconde séquence du groupe de travail Famille & parentalité, ces feuillets blancs porteurs de sigles mystérieux sont distribués par Khalid à chacun des partenaires réunis en atelier, travailleurs sociaux, responsables du relai petit enfance,  du pôle famille de l’UDAF, du centre social, coordo REP, habitants du Conseil citoyen…

L’objectif ? Faire remonter les problèmes et des idées d’actions pour les résorber. Il y a donc le diamant pour partager les actions à partager, dont on est fier, la chaîne pour évoquer ce qui pose des difficultés, des freins, et enfin la grenade pour évoquer des sujets très sensibles, potentielles bombes à retardement. Une technique qui permet de faire un point précis sur ce qui aide à avancer et sur les freins, et d’identifier de façon plus prospective ce qui peut être sources de problèmes majeurs.

Expérimenter les discriminations

Telle est l’expérience proposée par l’exposition « Tous égaux, ensemble contre les discriminations » conçue par Khalid Ida-Ali, chef du service DSU pour lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité en changeant notre regard. Un parcours pour comprendre étape par étape ce qui est à l’œuvre derrière les discriminations et saisir le schéma mental partant de la « catégorisation » aux « stéréotypes » aux « préjugés » et aboutissant à la « discrimination ». Un cheminement de salle en salle, de l’école à la Mairie en passant par la salle du tribunal où l’on découvre par exemple que les discriminations sont condamnées par la loi, mais aussi l’existence du Défenseur des droits, et où l’on croise une carte du monde inversée soulignant combien les représentations participent à la construction de nos imaginaires. Une expérience proposée non seulement aux élèves du bassin Vitryat et du département mais aussi aux conseillers de Pôle Emploi, et d’autres adultes qui ont réalisé en fin de parcours qu’ils avaient tous des préjugés et des stéréotypes sans s’en rendre compte. Un gros travail de conscientisation saluée par la directrice de la médiathèque de Troyes présente lors de notre visite qui va accueillir l’exposition et la faire vivre grâce à la formation de ses agent.e.s par l’équipe DSU.

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