Nous* avons terminé nos premières explorations dunkerquoises, il y a quelques jours… L’occasion de vous partager ce que l’on a pu observer sur les terres de Jean Bart. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, on voulait vous parler de la spécificité du territoire dunkerquois dans le programme Nouveaux Accords.
Parmi nos trois terrains d’expérimentation, c’est le seul dans lequel l’animation de la programmation « Politique de la Ville » est réalisée à l’échelle intercommunale. Le contrat de ville est signé par la Communauté Urbaine de Dunkerque et est décliné dans les villes co-signataires que sont Dunkerque, Grande-Synthe, Saint-Pol-sur-Mer, Coudekerque Branche et Téteghem-Coudekerque-Village. Chacune de ses villes soutient des projets à l’échelle communale au titre du contrat de ville, mais les projets qui ont un rayonnement dépassant la commune sont soutenus par la programmation « CUD ». C’est cette animation intercommunale qu’on a particulièrement suivie ces dernières semaines.
On vous propose donc de vous livrer une synthèse de nos observations au travers de nos rencontres avec les personnes qui co-animent le contrat de ville, de nos visites de terrain et de nos participations aux (nombreuses !) instances de pilotage à l’échelle intercommunale.
* C’est-à-dire Rémi et Julien Bottriaux et Hugo Pirson de l’agence Les Beaux Jours.
Qu’a-t-on fait pendant notre immersion ?
Rien de tel qu’une petite synthèse visuelle pour répondre à la question…
Suite à cela, voici ce qu’on retient de nos premiers pas dans la CUD :
Cafés, viennoiseries et… diversité des profils
Notre immersion a commencé – très – tôt, un matin de décembre. Même si la température ressentie était proche de 0°C, on a vite pu se réchauffer grâce au chaleureux accueil « café viennoiseries » que nous a réservé l’équipe de la CUD. Cette première journée d’entretiens nous a permis de faire connaissance avec l’équipe qui anime le contrat de ville à l’échelle intercommunale et avec les personnes en charge de sa déclinaison au niveau de la Ville de Dunkerque. Nous avons donc découvert les trajectoires professionnelles et profils très variés de Marie et Jamal (côté CUD), Cindy et Manon (côté Ville de Dunkerque) et d’Anne, dont le poste de directrice est mutualisé entre la CUD et la Ville… Vous suivez ?!
Ce qu’on retient de nos échanges :
La pluralité des profils et des formations des personnes qui mettent en œuvre le contrat de ville : l’une est une ancienne contrôleuse de gestion dans la grande distribution, les autres se destinaient à devenir éducatrice de jeunes enfants, professionnelle de la communication ou encore anthropologue. Enfin, Jamal qui est diplômé d’une licence de Géographie et d’un Master d’Urbanisme est un enfant de Grande-Synthe et est entré à la CUD en 2011 pour animer le Conseil de développement ;
La tension qu’il peut y avoir entre l’envie d’accompagner au quotidien les porteurs de projet (et qui fait le sens du métier de chef.fe de projet Politique de la Ville) et les process très cadencés (pour ne pas dire contraints) relatifs à la programmation annuelle ;
Des réflexions autour du sentiment de légitimité à aller dans les quartiers. Plusieurs des personnes que nous avons rencontrées ne résident pas sur le territoire de la CUD. Le fait de ne pas vivre là où elles travaillent les « éloignent peut-être parfois du quotidien des habitants » et fait que « c’est moins facile d’aller dans les quartiers »
Et pour la suite ?
On a hâte de voir si et comment la diversité des équipes impacte la manière d’animer le contrat de ville ;
On aimerait comprendre comment le rapprochement – en cours – entre les équipes de la CUD et de la Ville de Dunkerque pourrait se traduire dans l’animation du Contrat de ville ;
Et bien sûr, ce serait intéressant d’explorer s’il existe des marges de manœuvre permettant d’alléger le calendrier de la programmation afin que les chef.fe.s de projet puissent davantage appuyer et conseiller les porteurs de projet en quartier politique de la ville…
Visites sous le ciel bleu du Norrrrrd !
Pour le moment, nous n’avons qu’une vue très partielle du territoire et des quartiers concernés par la politique de la ville. On commence à bien connaître la gare et ses alentours, les environs de la CUD et la Halle aux sucres (si vous êtes de passage à Dunkerque, on vous recommande une visite de ce lieu incroyable). Mais grâce à une visite sur-mesure proposée par Jamal, on a pu visiter des quartiers Banc Vert à Dunkerque, et Albeck et Europe à Grande Synthe.
Ce qui a retenu notre attention pendant nos visites de terrain :
Les gros projets de renouvellement urbain (finalisés et en cours) au Banc Vert, qui font cohabiter des barres d’immeubles avec de charmantes maisons de style scandinave et où un travail autour du graf’ et de la photographie dans l’espace public a permis de mettre en lumières des artistes locaux ;
Le nombre et le dimensionnement des équipements municipaux implantés dans les quartiers politique de la ville à Grande-Synthe, qui ne compte, rappelons-le, qu’un peu plus de 23 000 habitant.e.s. On a ainsi pu visiter l’Atrium qui accueille entre autres la Maison de quartier de l’Albeck, des services municipaux, une salle d’exposition, les locaux d’associations et accompagnent les habitants (dans leur parentalité, leur projet d’économie sociale et solidaire, etc.). Autre visite qui nous a marqués : celle du Palais du Littoral, salle de spectacle municipale qui peut accueillir jusqu’à 3000 spectateurs et propose des espaces aux habitant.e.s pour qu’ils puissent réaliser leurs pratiques artistiques (musique, danse, chant, etc.).
Les questions qu’on s’est posées pendant nos visites :
Comment le lien se fait entre le NPNRU et le contrat de ville, sachant qu’à la CUD, il s’agit de deux directions différentes…
Les projets soutenus dans le cadre du contrat de ville jouent-ils un rôle dans les projets de renouvellement urbain en cours ?
Quels partenariats et articulations y a-t-il entre les structures municipales implantées en QPV et les projets financés dans le cadre du contrat de ville ?
Vous reprendrez bien encore un peu de réunions?
On ne va pas se le cacher, ce qui nous a beaucoup occupés lors de nos premières immersions c’est l’observation des nombreuses instances liées à l’animation du contrat de ville à l’échelle intercommunale, on peut notamment citer :
Les temps d’instruction technique pour auditionner les projets dans le cadre de la programmation 2023. Ils reprennent les axes thématiques du contrat de ville (développement économique, santé, cadre de vie, etc.). Ils sont notamment composés des chef.fe.s de projet Politique de la Ville des communes co-signataires du contrat de ville et de la CUD, de certains de leurs collègues d’autres directions (habitat, etc.), de représentants des Conseils citoyens et de partenaires sectoriels (comme l’Education nationale quand les projets concernaient des dimensions éducatives). Les structures qui y sont auditionnées sont celles qui portent des projets dont l’action dépasse le seul échelon communal (au moins deux villes de la CUD).
Les ateliers intersites techniques. On a par exemple assisté à l’un d’entre eux dont l’objet était d’explorer la manière de « coter » la dimension « Egalité Femme / Homme » des projets candidats à la programmation Politique de la Ville.
Les ateliers intersites élu.e.s.Celui auquel nous avons participé était destiné à faire dialoguer les élu.e.s des différentes communes autour des projets candidats à la programmation 2023, et dont le rayonnement est intercommunal. Ce temps a été précédé d’un travail préparatoire, ville par ville, entre technicien.ne.s et élu.e.s (auxquels nous n’avons pas assisté).
Ce qui a retenu notre attention :
Le nombre de ces instances… et le travail qu’elles nécessitent pour les équipes de la CUD et des villes signataires. On comprend mieux pourquoi certaines des personnes interviewées se sentent parfois éloignées du terrain tant elles sont absorbées par la comitologie du contrat de ville animé à l’échelle intercommunale. On ne se risquera pas à additionner le temps passé à préparer et animer ces nombreuses instances, mais tout cela doit être vertigineux.
La qualité du relationnel et du dialogue entre les partenaires, et notamment entre les co-pilotes du contrat de ville, à savoir la CUD et l’Etat (en la personne de la déléguée du Préfet). Même si leurs objectifs et missions font l’objet d’un contrat (de ville), les relations interpersonnelles, la convivialité et la qualité d’écoute qui semblent exister entre les différents acteurs se traduisent par une animation souple et pragmatique des choses.
Et pour la suite ?
Même si on a observé des échanges constructifs entre les différentes parties prenantes du contrat de ville, on pourrait se demander si l’on pourrait aller vers davantage de co-construction et de regards croisés. On reste, pour le moment, dans des instances qui relèvent davantage du pilotage que de la co-animation; et le potentiel que présente la diversité des profils et des structures autour de la table nous semble un peu sous mobilisé.
Est-ce que l’on pourrait tendre vers des instances qui se tiendraient réellement sous forme d’ateliers où l’expertise d’usage et les situations vécues sur le terrain nourriraient les réflexions partenariales ?
Pour conclure ce premier retour « terrain », on doit avouer qu’il nous manque une grosse pièce au puzzle : les perceptions et expériences des habitant.e.s et des porteurs de projets soutenus dans le cadre du contrat de ville. Jusqu’à présent, nous n’avons eu que de brefs contacts avec eux, et uniquement dans le cadre des instances dont on vous a parlé plus haut. On aurait pu profiter des festivités du Carnaval pour en échanger avec eux, mais la bière et les costumes colorées nous auraient sûrement distraits 😉 Blague à part, il nous tarde de pouvoir avoir des retours un peu plus approfondis de leur part. On en aura certainement l’occasion dans les prochaines semaines, d’autant que les effets concrets du contrat de ville sur les habitant.e.s figurent parmi les sujets à explorer pour la suite du programme.