Le contrat de ville pour les nuls

Si comme nous vous n’êtes pas forcément des spécialistes de la politique de la ville, une petite mise en bouche s’impose … Voici donc, en quelques lignes, le pourquoi et le comment du contrat de ville : son rôle et son utilité, mais aussi les questions qu’il pose et les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre. 

Un contrat pour quoi faire ? Amplifier l’action publique dans les quartiers

Depuis plus de 50 ans, la politique de la ville vise à renforcer les efforts d’action publique sur les territoires qui en ont le plus besoin. C’est ce qu’on appelle la « géographie prioritaire » qui identifie les 1500 quartiers qui concentrent la pauvreté. Le contrat de ville est censé fixer le cadre du soutien public apporté aux quartiers défavorisés, à l’échelle de chaque intercommunalité. C’est une démarche partenariale qui permet de définir collectivement les orientations stratégiques et d’organiser leur mise en œuvre sur le terrain.

Voilà pour la théorie. Mais en pratique, on peut résumer l’utilité du contrat de ville à ses trois dimensions principales : projet, guichet et processus.

 

Un contrat de ville, ça sert à se mettre d’accord sur des priorités communes

La politique de la ville est co-portée par l’État et les intercommunalités (ou plus rarement par les communes). Évidemment, chacun veut avoir son mot à dire sur la stratégie ! Le contrat de ville sert à négocier des orientations communes, au croisement entre les directives nationales et le contexte spécifique à chaque collectivité. L’État fixe des grands axes mais les besoins ne sont pas les mêmes à Marseille, en Seine-Saint-Denis ou à La Réunion.

Cette co-production de la stratégie pose une question de timing : ces contrats de cinq ans doivent-ils être calés sur les mandats municipaux ou nationaux ? Dit autrement, qui donne l’impulsion de départ ? Les contrats actuels ont été élaborés pour cinq ans aux lendemains des élections municipales de 2014. Puis ils ont été prolongés jusqu’en 2022, pour s’aligner sur les mandats nationaux.

 

La politique de la ville, quel périmètre ?

L’enjeu des contrats de ville, c’est aussi de définir le périmètre de la politique de la ville. La réforme de 2014 avait pour but de réintégrer la rénovation urbaine dans les contrats, après une décennie marquée par l’autonomisation de l’ANRU (Agence nationale pour le renouvellement urbain). Elle fixe trois piliers qui doivent se retrouver dans chaque contrat : cohésion sociale, cadre de vie et renouvellement urbain, développement économique et emploi. Complété par un quatrième en 2015 : la citoyenneté.

L’autre objectif des contrats actuels, c’est de mobiliser les « politiques de droit commun » (école, justice, police, santé…) et les autres collectivités (Département et Région). C’est pour ça que les contrats de ville ont de nombreux signataires, comme la CAF ou le rectorat. En pratique, leur degré d’implication est très variable selon les territoires. Les signataires correspondent uniquement aux financeurs publics des contrats de ville. Les associations n’en font pas partie.

 

Le contrat de ville, ça sert à programmer le financement des actions politique de la ville

Pour les porteurs de projet, le contrat de ville c’est avant tout un guichet de financement. Derrière chaque contrat, il y a une enveloppe pour soutenir les actions engagées dans les quartiers politiques de la ville (QPV). Ces actions peuvent être portées par des associations comme par les collectivités (l’action des communes absorbe une bonne partie des financements). Une enveloppe spécifique est dédiée aux initiatives citoyennes. Pour obtenir un financement, chaque porteur de projet doit démontrer que son action s’inscrit dans les priorités énoncées par le contrat de ville. Les demandes sont instruites par le comité de programmation partenarial rassemblant les différents financeurs, pour sélectionner les actions financées.

 

La politique de la ville : un financement pérenne ou ponctuel ?

« Les crédits de la politique de la ville ne doivent pas être considérés comme une source de financement pérenne. Si les projets démontrent leur utilité et leur efficacité, ils doivent progressivement être inscrits dans le droit commun. » C’est toute la tension de la politique de la ville, qui se pense comme un fonds d’expérimentation ponctuel alors qu’elle doit répondre à des problèmes structurels.

En 2015, les Contrats de ville avait pour objectif de généraliser les financements pluriannuels pour donner plus de visibilité aux associations. Difficile de monter un projet dans la durée si on ne sait pas si on aura les financements l’année d’après ! En réalité, la plupart des financements restent annuels. Chaque année, les associations doivent faire une nouvelle demande.

 

Le contrat de ville, ça sert à coordonner toutes les parties prenantes

Pour les équipes politique de la ville des collectivités et les délégué.es du Préfet (leurs alter ego côté État), le contrat de ville c’est surtout un COPIL annuel qui permet de réunir l’ensemble des signataires. Ce comité de pilotage permet de faire le point sur les actions engagées et la situation des quartiers prioritaires. Il vient en complément des contrats thématiques (contrat éducatif local, contrat local de santé, contrat local de prévention de la délinquance…).

Pourtant, de nombreuses actions dans les QPV se déploient aujourd’hui « en dehors » du contrat de ville. A commencer par les politiques des directions sectorielles des collectivités. Depuis 2019, l’État a également multiplié les appels à projet sur des dispositifs ciblés (vacances apprenantes, conseillers numériques, agence locale d’insertion…).

 

Quelle place pour les citoyennes et citoyens dans le pilotage des contrats de ville ?

La loi de 2014 visait à renforcer la place des habitant.es dans la politique de la ville, à travers la mise en place d’un Conseil citoyen dans chaque QPV qui doivent obligatoirement être associés aux instances de pilotage. Mais ces instances vivent de manière très inégale selon les quartiers et peinent à trouver leur place dans les COPIL du contrat de ville.